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Louis-René VILLERMÉ

 

Louis René VILLERMÉ est né à Paris le 10 mai 1782 d’une mère parente du général Lecourbe (général de la 1ère République puis de l’empire) et d’un père procureur au Châtelet, poste qu’il a dû quitter pour raison de santé alors que Louis René était très jeune.

Sa biographie publiée par le docteur Pierre ASTRUC médecin du ministère de la santé publique en 1933 nous apprend que la famille se retire à Lardy où il suit comme il peut des études primaires. De retour à Paris il entreprend des études pour devenir médecin mais il est rattrapé comme la plupart de ses camarades par la politique et le voilà enrôlé sur les champs de bataille de l’empire comme médecin militaire, sans en avoir le titre faute du diplôme, pendant plus de dix ans notamment en Espagne. Il en revient très marqué par cette épreuve, puis, de retour à la vie civile, il est confronté aux conditions de vie déplorables des prisonniers dans les établissements pénitentiaires, produit des statistiques de morbidité et de mortalité. Il fait ensuite face à l’épidémie de choléra qui tue en 1832 à Paris 18 402 habitants en 189 jours.

Les conceptions pacifistes et humanistes de Louis-René Villermé se forgent dans ces années-là et à travers ces expériences.

En France, après la révolution de Juillet 1830, la crise économique et la situation dramatique des ouvriers dans les grandes régions industrielles de la France du Nord et de l’Est commencent à émouvoir l’opinion, mobilisent les militants du mouvement ouvrier naissant mais touchent aussi des savants, des écrivains comme Victor Hugo, Honoré de Balzac, et d’autres. Les autorités publiques du nouveau régime monarchique mandatent des réformateurs sociaux et des hygiénistes pour apporter une réponse à la question sociale qu’elles jugent préoccupante.
En 1834, l’Académie des sciences morales et politiques désigne deux enquêteurs : Louis François Benoiston de Châteauneuf et Louis-René Villermé missionné pour visiter les départements où les industries du coton, de la laine et de la soie occupent la plus grande concentration d’ouvriers. Adepte de l’observation concrète et de la méthode numérique, il systématise une démarche, nouvelle en France comme dans le reste de l’Europe en voie d’industrialisation, faite de visites des lieux de travail et des habitats ouvriers ainsi que de la collecte de beaucoup d’informations au moyen de questionnaires.
Il note que, si les ambiances physiques déplorables des ateliers doivent être corrigées, elles ne sont pas les seuls facteurs de l’état physique dramatiquement dégradé des ouvriers. Il dénonce des salaires « en dessous des besoins réels », recommande de les augmenter de telle sorte que les ouvriers puissent assurer l’hygiène, une nourriture meilleure et des logements plus salubres pour eux et leur famille.

Publié en 1840, l’ouvrage issu de ces enquêtes porte le titre de « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. »

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86268422?rk=21459;2

Un projet de loi est ensuite déposé à la Chambre des députés par Laurent Cunin-Gridaine, alors ministre du Commerce et de l’Agriculture et donne lieu à des débats acharnés, de nombreux détracteurs estimant qu’interdire le travail des enfants reviendrait à « sacrifier l’industrie », défendant ainsi une optique stric-tement libérale. Le député Alphonse Taillandier affirme même qu’une réglemen-tation en la matière nuirait aux enfants ainsi qu’à leur famille car « cette dimi-nution de salaire se fera sentir sur la nourriture » et le député Gustave de Beau-mont déclare : « C’est le premier acte de réglementation de l’industrie qui, pour se mouvoir, a besoin de liberté ». Le projet de création d’un service spécialisé d’Inspection du travail pour contrôler le respect de la loi est, quant à lui, clai-rement rejeté.
A l’opposé, Villeneuve-Bargemont, un catholique éclairé, que son ancienne fonction de Préfet du Nord a rendu sensible à la misère sociale, prend la parole pour souligner que « La restauration des classes inférieures, des classes ouvrières, est le grand problème de notre âge. Il est temps d’entreprendre sa solution et d’entrer enfin dans la véritable économie sociale, trop souvent perdue de vue au milieu de nos stériles agitations politiques. »
Finalement le souci de la reproduction de la force de travail, de la préservation des « forces nationales » et de « l’avenir de la race » (Paul Leroy-Beaulieu) ont été déterminants pour l’adoption de cette loi, bien plus que le tableau dressé par Villermé de la dure réalité. Le projet de loi est adopté en seconde lecture le 23 février 1841 par la Chambre des pairs et le 11 mars 1841 par la Chambre des députés, puis la loi est promulguée le 22 mars 1841.
Le Tableau de Villermé est donc à l’origine de deux lois :
– Celle de 1841 sur le travail des enfants dans les manufactures, qui interdit le travail des enfants avant 8 ans mais uniquement dans les entreprises de plus de vingt salariés. Cette loi est amendée en 1851, puis en 1874 par la loi sur le travail des enfants et des filles mineures dans l’industrie, qui interdit l’emploi avant douze ans et institue un service d’Inspection du travail ;
– Et, en 1850 la première loi d’urbanisme en France qui interdit le logement insalubre.
A à l’instar d’autres hygiénistes, Louis René Villermé s’est positionné en tant qu’acteur de l’économie politique. Pour limiter l’usure au travail, il prône en effet l’amélioration des conditions de vie hors des ateliers, la hausse des salaires et la réduction du temps de travail, notamment pour les enfants et les femmes. Toute sa vie il aura été écrivain scientifique tout en restant praticien.

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