19 novembre 2019: Journée d’étude : « L’inspection du travail face au Travail Obligatoire, 1940- 1944 » 

En attendant le compte rendu exhaustif de cette journée qui sera publié courant 2020 sous la forme d’un Cahier, accessible et téléchargeable sur le site comme les conférences précédentes, nous vous livrons un rapide aperçu de son déroulement puis un extrait de l’introduction à l’ intervention de Lionel de Taillac, directeur du travail honoraire, qui offre un bon aperçu de sa problématique générale.

Cette journée organisée par le Groupe d’Histoire de l’Île-de-France et l’AEHIT (Association pour l’Étude de l’histoire de l’Inspection du Travail) avec le concours du CHATEFP (Comité d’histoire de l’administration du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle) et de la DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) de l’Île-de-France qui s’est tenue le 19 novembre 2019 salle Pierre Laroque au ministère de la Santé 14 Avenue Duquesne Paris 7, a été un grand succès tant par le nombre des participants effectif (140 à 150 matin et après-midi) que par le contenu des questions et remarques de la salle et par l’intérêt continu manifesté par toutes et tous du début à la fin.

 

 

La qualité des recherches et la richesse des présentations des intervenants ont été particulièrement instructives pour tous les participants;  beaucoup, agents de l’inspection du travail en activité ou en retraite, n’en revenaient pas en réalisant qu’ils ne se sont jamais interrogés sur l’attitude et les pratiques de l’administration du travail pendant l’Occupation de la France par l’Allemagne nazie, alors même que certains d’entre eux ont pu côtoyer au cours de leurs premières années de service des collègues qui ont été confrontés à la Relève et au STO .

 


 

 

 

Extraits de l’introduction de l’intervention de Lionel de Taillac :

 L’inspection du travail et la main-d’oeuvre sous l’Occupation (1940-1944) 

 Une administration singulière à l’épreuve de la collaboration d’Etat

 

« Les inspecteurs divisionnaires du travail ont en charge la surveillance de ces offices et bureaux de placement. Au début de 1935, ils récupèrent la gestion de la

main-d’œuvre étrangère et indigène. Ils jouent aussi un rôle de coordination pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre entre les bureaux de placement départementaux et communaux d’une même région ou de régions différentes, rôle qu’assuraient les offices régionaux de la main-d’œuvre avant d’être supprimés pour réduire les coûts budgétaires.

La préparation de la guerre, puis l’Occupation accroissent le rôle de l’inspection du travail en matière de main-d’œuvre. En 1938-1939, le ministère du Travail retrouve son rôle de  mobilisation, d’organisation de la réglementation, de l’utilisation et du contrôle général de la main-d’œuvre» acquis pendant le premier conflit et les inspecteurs divisionnaires du travail comme les inspecteurs départementaux interviennent dans le plan de mobilisation.

 

Sous l’Occupation, la main-d’œuvre française devient un enjeu majeur d’ans les relations entre le vainqueur et son vaincu.Vichy,qui engage sa « Révolution nationale », affronte situation sans précédent due à un chômage très important et à l’absence de deux millions de prisonniers. Le nouveau régime veut disposer d’une économie solide pour revendiquer une place de choix dans l’Europe allemande de demain. À cette fin, l’État doit contrôler le marché du travail sur l’ensemble du territoire national. De son côté, l’Allemagne n’a d’autre objectif après sa victoire que de neutraliser la France sur le plan politique et d’exploiter au maximum son économie et ses ressources. Elle entend attirer les travailleurs français, tant en France pour les employer à renforcer ses bases militaires que dans ses usines en Allemagne, pour remplacer ses ouvriers mobilisés sur le front de l’Est. La main-d’œuvre française, la plus nombreuse et la plus qualifiée des pays occupés, constitue un atout de première importance pour ses intérêts.

Dès l’automne 1940, les nouveaux dirigeants de Vichy restructurent le champ de la main-d’œuvre. Selon Jacques Desmarets, « en deux ou trois ans, les institutions subissent plus d’évolutions qu’en un siècle ». Le régime étatise les offices de placement et les fusionne avec les organismes qui indemnisent les chômeurs. Les inspecteurs divisionnaires du travail disposent de l’autorité sur les directeurs des nouveaux offices du travail. En quelques mois, la main-d’œuvre devient l’activité dominante et la priorité de l’inspection du travail. Son organisation, son mode de fonctionnement, ses effectifs et ses moyens se transforment.

Cette mutation la fait entrer dans l’engrenage de la « collaboration »,voulue et sollicitée par Vichy. Le nouveau régime ne peut réussir le redressement du pays que si l’occupant lui laisse des marges de manœuvre, ce qui passe par une collaboration acceptée par l‘Allemagne. Dans les premiers temps, il dispose d’atouts que sont la flotte, l’empire ou la zone libre, qui disparaissent à la fin de l’année 1942. Il s’attache à faciliter ou à ne pas entraver l’intégration de son économie dans celle du Reich. Il va aussi mettre ses administrations au service de l’occupant pour faciliter l’application de ses politiques : il en est ainsi de la main-d’œuvre comme de la traque des Juifs ou du maintien de l’ordre. Dès l’été 1940, le vainqueur impose sa loi à son vaincu sur toutes les grandes orientations. Avec l’avancement du conflit, ses exigences ne font que s’accentuer. La « collaboration »de l’inspection du travail suit la même évolution. Elle prend au départ la forme d’une prestation au service du vainqueur dans le domaine de la main-d’œuvre dans les conditions imposées par la convention d’Armistice. Puis, à l’été 1942, cette administration se transforme en organe d’exécution de la politique de la main-d’œuvre du Reich pour appliquer le «travail obligatoire» à son profit, en France,notamment pour construire le mur de l’Atlantique, et Outre-Rhin.

Elle est écartée du champ de la main-d’œuvre en 1943.

L’étude vise à analyser et à comprendre quelle a été l’implication de l’inspection du travail dans la collaboration d’État dans le domaine de la main-d’œuvre pendant l’Occupation. Mal connu, ce rôle se révèle difficile à cerner pour ceux qui n’ont pas connu cette période. Les acteurs qui l’ont vécue sont restés très discrets et la question n’a pas été traitée jusque-là, en tant que telle, contrairement à d’autres administrations.

      • Pourquoi et comment cette administration a-t-elle été chargée du placement de la main-d’œuvre et de l’indemnisation des chômeurs en 1940 ?
      • Pourquoi et comment est-elle entrée, comme d’autres, dans la voie de la collaboration d’État avec l’Allemagne ? Comment est-elle passée d’une fonction de prestataire dans le domaine de la main-d’œuvre à celle d’auxiliaire pendant plusieurs mois ?
      • Comment les services se sont-ils comportés dans ces tâches de collaboration ? Comment ont- ils réagi dans leurs diverses composantes et quelles ont été leurs marges de manœuvre ? Quelles ont été les relations au sein des services et avec l’administration centrale du ministère du  Travail ?  Comment  se  caractérisent  les  rapports  avec  ses  principaux  interlocuteurs, français (préfets, production industrielle, ouvriers, etc.) ou allemands
      • Comment et pourquoi a-t-elle été dessaisie des questions de main-d’œuvre en 1943 ? »

 

 

Rappel du Programme‌‌

9 h 30      – Ouverture de la journée par Mme Agnès Jeannet, inspectrice générale des affaires sociales honoraire, présidente du CHATEFP.

9 h 40      – Présentation des intervenants et du programme de la journée par Bernard Laurençon, président de l’AEHIT.

 9 h 50    – Intervention de M. Vincent Viet :  » Pourquoi et comment renouer les fils d’une histoire longtemps restée taboue ? ».

11 h         – Présentation du site internet de l’AEHIT (https://aehit.fr) par Sylviane Robertin (AEHIT)

11 h 15    – Intervention de M. Jean Pierre Le Crom :  » Vichy et la question du travail. Ambitions et limites des réponses institutionnelles et juridiques ».

 12 h 15   – Questions de la salle aux premiers intervenants et réponses.

 13 h        – Pause déjeuner.

 14 30    –  Intervention de M. Marc-Olivier Baruch : « Servir, mais servir qui ? Éléments pour une typologie des réactions administratives face à l’Occupation, la révolution nationale et la collaboration ».

 15 h 45     – – Intervention de M. Lionel de Taillac :  » L’inspection du travail et la main d’œuvre sous l’Occupation (1940 – 1944). Une administration singulière à l’épreuve de la collaboration d’État ».

 16 h 30      – Débats avec la salle.

 17 h           – Clôture de la journée par Mme Corinne Chérubini, Directrice régionale de la DIRECCTE de l’Île-de-France.

 

 

 

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