Yves Mazuy répond à l’enquête sur le métier d’inspecteur du travail

yves mazuy : période 1967 – 1974

1 – Formation initiale, emplois précédents avant inspection du travail : DESS de droit public.

2 – 1er emploi : réussite 6 ans plus tard au concours interne de l’ENA (non prise de poste).

3 – Date d’entrée dans les services : 1969. Ministère de rattachement : Ministère du travail.

4 – Emploi(s) occupé(s) dans l’administration entre 1967 et 1974 : inspecteur du travail .

1 – Nombre de sections dans le département : 3 sections dont deux détachées.

2 – Caractéristiques générales du bassin d’emploi :

A. Principaux secteurs professionnels : métallurgie, aciéries, abattoirs amiante,

B.   Entreprises phare : Morey forges de Gueugnon, Éternit…

C. Forces syndicales : surtout CGT historique dans les mines qui avait une aura exceptionnelle même auprès des patrons.

D -Conflictualité importante, un conflit par semaine avec intervention de l’inspection dans les années 70 à 80 puis chute de la conflictualité.

3 – Caractéristiques principales de la section :

A. Nombre d’établissements et effectifs à contrôler : 10 000 salariés environ.

B. Nombre de contrôleurs du travail et de secrétaires de la section : 2 contrôleurs et deux secrétaires.

  C. Moyens à disposition : aucun véhicule de services. Équipement individuel rien sauf casque. Documentation : liaisons sociales ! Équivalent de la bible pour tous !

  Existait-il un service de renseignement au public sur le droit du travail ? Non.

Événement particulier : remise de l’Ordre national du mérite par Philippe Séguin en août 1987 à Bourg en Bresse : « pour l’ensemble de mon œuvre ! » 

Le contrôle des licenciements de personnel protégé était toujours fait très sérieusement et faisait l’objet d’enquêtes fouillées. C’était une mission reconnue de l’inspection du travail. Plusieurs strates de contrôle étaient en place en cas d’appel : niveau régional, administration centrale, conseillers du ministre etc.… ; peut-être trop ? Parfois les refus se heurtaient à l’opposition d’une partie du personnel qu’il fallait gérer, voire affronter. Être délégué est parfois une mission méritoire, difficile voire périlleuse !

Le respect du travail du dimanche était une priorité de ma directrice, Mme LECLAIR. Que de dimanches passés à faire le tour des marchands de meubles qui nous faisaient un accueil mitigé et étonné de voir des fonctionnaires travailler le dimanche ; un cliché qui a la vie dure ! La débandade actuelle sur ce point ne peut que nous surprendre. A une audience du tribunal de police à laquelle j’assistais, le juge s’étonnait publiquement des actions menées par l’inspection  » alors que les employés étaient d’accord « .


Le savoir-faire des inspecteurs en matière de conflit collectif s’est perdu lentement progressivement mais sûrement. Les jeunes générations ne semblent croire qu’aux règlements et aux sanctions. La mission est passée progressivement des inspecteurs aux directeurs puis s’est perdue durablement. Comme en matière judiciaire toutes les tentatives de confier cette mission de conciliation aux juges n’ont pas abouti. Le ministère de la justice, débordé par la masse des dossiers en matière civile, envisage de relancer l’idée très répandue dans certains pays comme le Québec. L’INT a élaboré un guide méthodologique des conflits collectifs avec ce pays qui a d’ailleurs recruté un ancien IT de l’INT qui est maintenant sur la liste de ses médiateurs. Nul n’est prophète dans son pays.

La participation aux CHS était fréquente, une occasion unique de connaître l’entreprise de l’intérieur.


La lutte contre le travail illégal n’a jamais été notre priorité et les inspecteurs ont souvent trainé les pieds pour participer aux enquêtes communes avec les policiers dont ils n’approuvent pas les méthodes et qui selon eux pratiquent « la chasse à l’étranger ».

Au début des années 70, le concept d’action prioritaire n’existait pas mais nous avions pris l’habitude de faire des réunions et des contrôles avec les agents de la CRAM ou de l’OPPBTP qui avaient le mérite de mieux connaître le milieu que nous. J’ai beaucoup appris avec eux, même si je désapprouvais les familiarités de langage qu’ils avaient l’habitude de pratiquer sur les chantiers !

J’ai toujours veillé à passer au moins 3 jours par semaine sur le terrain pour débusquer les infractions non dénoncées qui sont souvent les plus graves mais j’ai eu de la peine convaincre la totalité des agents à en faire autant. Ce sont souvent ceux qui se plaignent le plus des contraintes administratives qui s’y complaisent au-delà du raisonnable. Devoir sortir de son bureau plus de la moitié du temps est perçu dans les faits comme une contrainte pesante et croissante avec l’âge. Ils auraient besoin d’une retraite plus jeune !

En matière de PV je n’ai jamais constaté que le parquet classait mes PV. J’ai cru y voir, sans modestie, le fruit de ma réputation. Par contre dès ma nomination à Lyon, le procureur me signalait qu’il avait l’intention de classer 1000 PV en attente « compte tenu de la charge de travail du parquet et d’en sauver 100 ». J’ai refusé de le faire à sa place.


Les relations inspecteurs et contrôleurs sont variables selon la personnalité des uns et des autres. Il est clair que certains contrôleurs étaient complétement abandonnés.
La direction régionale était loin mais elle organisait régulièrement des réunions qui créaient un minimum de convivialité entre nous. Les agents des sections détachées qui se sentaient isolés appréciaient tout particulièrement.


Ma directrice organisait des réunions régulières avec l’ANPE et l’AFPA notamment avec les services psychologiques sur qui nous avions une tutelle bien théorique.

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